Instituteurs en guerre ! Albert Thierry , "l'écrivain" !
"...ô terre, tu les sens ces hommes qui agonisent
Contre ton sein ferme et tendre.
Leurs membres se brisent,
Leurs plaies saignent, leurs cœurs se lamentent,
Un torrent de douleur s'échappe de leur mémoire.
Voici la mort très proche, voici la nuit très noire:
Fais-leur grâce, qu'ils n'aillent pas pleurer.
Prends-les en pitié..."
(Albert Thierry)
L'histoire d'Albert Thierry est symbolique de ces instituteurs engagés, pacifistes qui pourtant partiront en 1914 la fleur au fusil portés par l'élan patriotique ambiant.
Maurice Alphonse Marie Albert Louis Thierry est né le 25 août 1881 à Montargis. Fils d'un maçon monté à Paris, il fera toute sa scolarité à Clichy puis à Asnières. Plutôt bon élève, il poursuit ses études au collège Chaptal de Paris puis intègre l'Ecole Normale Supérieure de Saint Cloud.Il y passera trois ans.
De la classe 1901 il est appelé sous les drapeaux. En tant qu'instituteur, il est engagé dix ans avec le Ministère de l'Instruction Publique et à ce titre bénéficie d'un aménagement de son service.
Il ne passera donc que dix mois au 106ème régiment d'infanterie de Chalons-sur-Marne. Il en sort avec un certificat de bonne conduite car si Albert est antimilitariste, il n'est pas pour autant un insoumis. Fidèle à ses convictions, il refusera néanmoins de faire le peloton des officiers.
Dégagé provisoirement de ses obligations militaires, bénéficiaire d'une bourse il part pour deux ans en Allemagne et en Autriche. A son retour, il rejoint l'Ecole primaire supérieure de Melun puis est nommé en 1911 professeur à l'Ecole Normale d'Instituteurs de Versailles où il va former les futurs instituteurs de la République car l'enseignement est sa véritable vocation.
En août 1914, il rejoint donc son unité. Ayant peu de considération pour la vie en caserne et la promiscuité qu'elle engendre, il se réfugie dans la lecture et l'écriture. Ce sentiment de déclassement s'estompe au front où " le sodat de tranchée vaut beaucoup mieux que le soldat de caserne !"
Intellectuel avant tout, tant au front qu'au repos , il lit et écrit beaucoup. A son barda, s'ajoute les nombreux livres qu'il transporte régulièrement. Il écrit tant et si bien que les autres soldats le surnomme "l'écrivain".
La guerre ne commence pas bien pour lui car dès le 4 septembre 1914 il est blessé à l'épaule puis fait prisonnier. Maîtrisant l'allemand, il sert quelques jours de traducteur aux officiers allemands.
Sa captivité ne sera que de courte durée puisqu'il est libéré par le 36ème RI le 9 septembre.
Envoyé à l'arrière pour se soigner, cette convalescence est encore l'occasion pour de se réfugier dans l'écriture . L'annonce de la mort de Charles Péguy, la disparition d'Alain Fournier, la capture de Jacques Rivière* viennent rachever son moral et son accablement.
Il bénéficie ensuite d'une permission puis rejoint le 28ème régiment d'infanterie.Entre janvier et avril 1915, les périodes en première ligne et de repos se succèdent.
En mai,son unité rejoint le Pas de Calais qui participe à l'offensive de Notre-Dame-de-Lorette. Le 26 mai 1915, lors de l'attaque de la tranchée des saules entre Aix-Noulette et Souchez, sa compagnie est entièrement décimée et Albert Thierry tombe sous le feu de l'ennemi.
Pendant les 10 mois de sa guerre, Albert Thierry tiendra un journal. Après guerre, ses carnets ont été publiés non sans mal, après avoir été censurés à quatre reprises.,
En dehors de "ses souvenirs de guerre", Albert Thierry laisse à la postérité un certian nombre d'ouvrages sur l'éducation et la pédagogie.
Décoré à titre posthume de la médaille militaire et de la croix de guerre.
* Jacques Rivière, né le à Bordeaux (Gironde), mort le à Paris, est un homme de lettres français, directeur de La Nouvelle Revue française de 1919 jusqu'à sa mort, et ami d'Alain-Fournier, avec qui il échangea une abondante correspondance avant de devenir son beau-frère.
Pour en savoir plus :
Carnets de Guerre, La Grande Revue, décembre 1917 - août 1918.
Sources :
Albert Thierry, un pédagogue dans les tranchées.
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