Instituteurs en guerre ! Maupas Théophile fusillé pour l'exemple !
Le 17 mars 1915 après un procès militaire expéditif, Louis Lefoulon, Louis Girard, Lucien Lechat et Théophile Maupas sont fusillés pour "avoir refuser de sortir" de la tranchée lors d'un assaut.
L'histoire "des quatre caporaux de Souain" est connue et je ne vais pas m'étendre sur le fond de l'affaire; d'autres avant,l'ont fait bien mieux que moi.
Instituteur de puis 1893, Théophile Maupas a 40 ans au moment de la mobilisation. En poste à l'école de Chefresne dans la Manche, il doit quitter ses élèves et son épouse Blanche pour rejoindre son unité le 336ème Régiment d'Infanterie de réserve basé à St Lô.
40 ans cela peut paraître agé pour partir à la guerre ? Théophile est né en 1874 et fait donc partie de la classe 1894. A ce titre il aurait donc du être versé dans la territoriale * Mais dès le début de la guerre les pertes sont énormes et il n'est pas rare de voir "les pépères" (1) montés au front pour palier au manque d'effectif et à l'inexpérience des jeunes classes.
Toujours est-il qu'en mars 1915, le 336e régiment d'infanterie se retrouve en première ligne au moulin de Souain, dans la Marne.
Une nouvelle attaque vouée à l'échec, l'inconséquence de l'Etat-Major, la mauvaise préparation de l'artillerie française, un manque de communication entre les diverses unités, le moral des troupes au plus bas, la volonté du Général Reveilhac de faire un exemple vont décider du sort des 4 caporaux de Souain....
Pour avoir désobéi aux ordres et refuser de sortir, 18 soldats et 6 caporaux sont désignés arbitrairement pour passer en Conseil de Guerre. A l'issue d'un procès bâclé , et alors que Le Conseil de Guerre prononce l'acquittement de 18 soldats et de deux caporaux , il condamne dans l'incompréhension générale Lefoulon, Girard, Lechat et Maupas au peloton d'exécution. Sitôt la sentence prononcée, Le 17 mars, en fin d’après-midi, les quatre caporaux sont exécutés.
On trouvera sur le site "Mémoires des Hommes" les minutes du jugement et le dossier de procédure.
Les derniers mots de Théophile seront pour sa femme Blanche et pour ses enfants:
"....Aujourd’hui je vais savoir le résultat de l’affaire. Comme c’est triste, comme c’est pénible ; mais je n’ai rien à me reprocher ; je n’ai ni volé ni tué ; je n’ai sali ni l’honneur ni la réputation de personne. Je puis marcher la tête haute. Ne t’en tracasse pas, ma petite Blanche. Il y a bien assez de moi à songer à ces tristes choses; c’est pénible, attendu qu’à mon âge, ni dans la vie civile ni dans la vie militaire je n ‘avais dérogé à mon devoir.
Pour quiconque n’a pas d’amour propre, ce n’est rien, absolument rien, moins que rien. Moi qui ai du caractère, qui m’abats, me fais du mauvais sang pour un rien, eh bien, tu sais, ma bonne petite, j’en ai gros sur le cœur. Il me semblait pourtant que depuis mon enfance, j’avais eu assez de malheur pour espérer quelques bons jours. C’est ça la vie ! Oh alors, ce n’est pas grand chose ! Que de gens comme moi qui ont un foyer et qui ne sont plus ! des petits enfants qui appelleront souvent leur papa, une femme adorée qui se rappellera son mari dévoué ; c’est bien triste quand je songe à ces noires choses.
Allons, courage ! courage mon petit bonhomme, soutenons-nous, aimons-nous !
J’embrasse ton beau petit sac, ta bonne lettre, ta carte, tes cheveux; tout est là dans un petit coin de mon sac. Je l’ouvre souvent ce vieux sac pour y voir mes objets chers qui sont une partie de toi et de mon petit Jean. Pauvre petite!
Allons, courage, mon petit soldat ! Je me serre bien dur contre toi, ne me quitte pas et veille bien sur moi.
Embrasse bien fort ma Jeannette. Que je t’aime, mon Dieu et que je pleure ".....
Blanche Maupas
"C’est alors que commence pour sa femme, Blanche Maupas, un long combat pour rétablir la vérité et laver la honte d’être la veuve d’un fusillé et non la veuve d’un mort pour la France."
Aidée par la Ligue des Droits de l'Homme, l'Amicale des Instituteurs et face à la mobilisation des anciens combattants, elle obtiendra la révision du procès mais la Cour de Cassation rejettera à deux reprises son pourvoi. Il lui faudra attendre la formation de la cour spéciale de justice militaire en 1934 pour que l'affaire des caporaux de Souain soit réexaminée, le jugement cassé et que les quatre fusillés soient réhabilités.
Entre temps, Blanche a réussi non sans mal à faire rapatrier le corps de Théophile et à le faire inhumr dans le cimetière de Sartilly commune dans laquelle elle enseigne.
En 1925, dans ce même cimetière un monument commémoratif sera érigé en mémoire des 4 caporaux de Souain.
Cette histoire, inspirera plus tard Stanley Kubrick pour son film "Les sentiers de la Gloire" et dans une moindre mesure au combat et l'opiniâtreté de Mathilde dans le roman de Sébastien Japrisot "Un long dimanche de fiançailles"
Une pièce de théâtre fut même consacrée à cette affaire (1). Plus récemment un télefilm de 2009 avec Romane Borhinger dans le rôle titre retrace le combat de Blanche Maupas (2)
On ne compte plus aujourd'hui les nombreux hommages rendus aux 4 caporaux de Souain et plus particulièrement à Théophile Maupas fusillés pour l'exemple ! (3)
(1) surnom donné aux soldats de " La Territoriale"
(2) "Blanche Maupas, l'amour fusillé" de Jean-Paul Alègre
(3) "Blanche Maupas" de Patrick Jamain
(4) Des rues et des places portent aujourd'hui le nom de Théophile Maupas ( Bréhal, Sartilly, Cherbourg-Octeville, Chefresne dans la Manche Villeurbanne( Rhône). L'école de Percy (Manche) porte aujourd'hui le nom de "Blanche et Théophile Maupas". En 2007 la commune de Suippes dans la Marne lieu où s'est réuni le Conseil de Guerre en 1915 a érigé un monument à la mémoire des caporaux de Souain.
Pour aller plus loin :
- Jacqueline Laisné, Pour l'honneur de Théo et des caporaux de Souain, éd. Isoète, 1994, écrit par l'institutrice qui prit la suite de Blanche Maupas dans son école de Sartilly ; réédité sous le titre Fusillés pour l'exemple, les caporaux de Souain, le 17 mars 1915, éditions Alan Sutton, Saint-Cyr-sur-Loire, 2002 et 2005.
- Blanche Maupas, décédée en 1962, avait aussi écrit un livre, édité par Maison coopérative du livre, paru en 1933, Le Fusillé, dont la réédition des éditions Isoète en 1994 et 2002 comporte des illustrations de Tardi.
- Henry Andraud, Quand on fusillait les innocents, éditions Gallimard, 1935.
- André Bach, Fusillés pour l'exemple - 1914-1915, éditions Tallandier, 2003.
- Nicolas Offenstadt, Les Fusillés de la Grande Guerre et la mémoire collective, éditions Odile Jacob, Paris, 1999.
- Stéphane Audoin-Rouzeau, « Cher martyr, tu seras vengé », dans Cinq deuils de guerre, Noesis, 2001.
- Jean-Paul Alègre, Blanche Maupas, l'amour fusillé, éditions de l'Avant-Scène Théâtre, 1998.
- Roger Monclin, Les Damnés de la Guerre, 1934.
- R.-G. Réau, Les Crimes des conseils de guerre, éditions du Progrès Civique, Paris, 1925.
- « Les fusillés pour l'exemple », numéro spécial du Crapouillot, août 1934.
- Humphrey Cobb, Paths of Glory, (en français : Les Sentiers de la gloire), 1935.
- Didier Calabre et Gilles Vauclair Premiers conseils de guerre [archive] sur Cairn.info
source : Wikipédia
A découvrir aussi
- Instituteurs en guerre ! A comme Avant propos
- Instituteurs en guerre ! Enchéry Henri Robert sous lieutenant au 96ème RI
- Instituteurs en guerre ! Gironde , les instituteurs morts à la guerre.
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 41 autres membres