Instituteurs en guerre ! Danquin un illustre inconnu ?
En préparant ce challenge, c'est tout à fait par hasard que mes recherches me conduisirent sur le site de la Bibliothèque de Documentation Internationale et Contemporaine (BDIC) appelée dorénavant "La Contemporaine" et que j'allais faire connaissance avec G.DANQUIN.
Cette recherche constituait au départ une gageure car je n'avais d' autre information que les documents déposés et reproduis sur le site de la BDIC présentant les dits documents comme " les lettres d'un instituteur mobilisé à sa famille".
Une première analyse sur la forme tout d'abord nous apprend que ces documents sont constitués de 9 pîèces soit 18 médias et qu'ils sont datés (27 mars 1915 – 19 janvier 1916) et qu'ils proviennent apparemment d'un fond de documents numérisés de l'Académie de Lille regroupant des lettres de soldats et autres souvenirs de guerre.
Donc déjà une première indication sur de potentielles recherches dans les Hauts de France et je me disais justement que le patronyme de notre instituteur fleurait bon le noooord et c'est naturellement vers cette région que nous allons pousser nos investigations.
Mais avant une vérification sur "Mémoire des hommes" s'impose pour voir si notre soldat n'avait pas eu l'idée saugrenue de mourir pour la France. Quant à son prénom quel peut-il être ? Georges / Guillaume ? Qui sait ?
Une seule réponse à notre recherche : un certain Emile Gustave DANQUIN originaire de Fauquembergues dans le Pas de Calais. A première vue ça pourrait coller : G pour Gustave, le Pas de calais .....bien que son lieu de décès- la Tunisie- nous éloigne un peu mais pourquoi pas ?
source "Mémoire de Hommes "
Revenons sur nos documents :
Document 2 : une carte postale adressée à Mademoiselle Victoria BOUTAILLE (?) à l'école laique d'Audresselles dans le Pas de Calais nous donne une première indication.
La signature est illisible et je ne suis pas certain de pouvoir attribuer la carte postale à notre ami G.DANQUIN
Les documents 3 à 15 sont constitués de cartes postales qui elles sont signées G.DANQUIN. Les éléments 3,4 5 et 6 sont des courriers adressés à la femme du soldat.
La carte postale suivante ( doc 7 et 8 ) estt adressée à un certain Mauirice qui semble être un enfant mais pas nécéssairement le fils de notre soldat mais peut-être un membre de la famille ?
source BDIC
Les documents suivants (doc 9 et 10) sont beaucoup plus clairs quant au destinataire de la carte postale ; elle est adressée à son fils.
Suivent d 'autres carte postales. Le document N° 16 nous apporte des renseignements importants pour la suite de notre enquête. Grace à l'adresse indiquée, nous apprenons que notre soldat est sergent-fourrier au 9 ème Régiment d'Infanterie Territoriale 7ème Cie et affecté au secteur 39. Outre ces informations, tant l'expéditeur de cette dernière lettre (un petit écolier alsacien) que l'iconographie nous renseigne sur le lieu de cantonnement de Danquin (l'Alsace) bien loin de la Tunisie évoquée auparavant. Donc Emile Gustave Danquin ne peut pas être notre homme mais peut être une membre de sa famille ?
source : BDIC
Retour à la case départ ? Peut être pas , et prions peut-être que le dieu Google nous vienne en aide.
Bingo ! On connait tous Wikipedia encyclopédie collaborative et Généawiki pour les plus initiés. Mais je ne savais pas qu'il existait un WikiPasdeCalais et coup de chance quelqu'un que je remercie y a .... recensé tous les instituteurs de ce département depuis ....... un certain temps. Et à la lettre D du répertoire figure un certain Louis DANQUIN mais point de Gustave ni de Georges et encore moins de Guillaume. Mais en cliquant sur le lien qui y est associé , ô miracle de l'internet, nous découvrons que notre Louis DANQUIN s'appelle en réalité Louis Rémy GUSTAVE DANQUIN qu' ilest né le 1er avril 1870 à Vaudringhem et que notre instituteur n'est pas n'importe qui puisqu'il a été Maire d'Audresselles en 1925 -commune dont on a déjà parlé plus haut- , délégué cantonal et officier de l'Instruction Publique.
Fort de ces renseignements il n'y a plus donc qu'à vérifier sa fiche matricule sur les Archives Départementales. Sitôt dit, sitôt fait.
Né en 1870 il est donc de la classe 1890. Et chance sur les AD 62 les fiches ont toutes été indexées et la recherche est aisée.
A la lecture de sa fiche matricule , nous apprenons que les renseignements qui y figurent correspondent en tout point avec notre homme :
Mobilisé le 2 août 1914, il est versé au 95ème Regiment d'Infanterie Territoriale le 26 juin 1915 puis au 96ème Régiment d'Infanterie Territoriale le 30 novembre 1915 puis est mis en sursis au titre d'instituteur à Audresselles. jusqu' à la fin de la guerre.
Mais si Louis Rémy Gustave semble bien être notre homme, avait-il été pour autant en Alsace entre mars 1915 et janvier 1916 ? Et là pas d'information à ce sujet sur sa fiche matricule et c'est la lecture du Journal d'Opération du 96ème RIT qui nous confirmera la présence de cette unité dans l'Est de la France à cette période ? Des écrits attestent par ailleurs de la présence d'instituteurs sous les drapeaux français dès août 1914 dans les écoles alsaciennes pour enseigner le français.
A la date de la mobilisation, Gustave, puisque c'est ainsi qu'il se fait appeler, a tout de même 44 ans et on peut se poser la question de la pertinence de sa mobilisation ?
A ce stade de l'enquête, quelques rappels sont donc nécessaires :
Au début du conflit, les classes 11, 12 , 13 sont déjà sous les drapeaux. En effet depuis aout 1913 et la loi Barthou, le service est passé de deux à trois ans.
Entre le 3 et le 12 août sont appelées les classes qui composent la réserve de l'armée d'active à savoir les classes de 1900 à 1910.
A cela s'ajoute les classes de l'armée territoriale (1893 à 1899)
On puisera même dans la réserve de la territoriale avec les classes 1887 à 1892 dont fait partie Gustave.
Pendant la Grande Guerre, Un régiment d’infanterie territorial, ou RIT, était une formation militaire composée essentiellement d'hommes âgés de 34 à 49 ans, considérés comme trop âgés et plus assez entraînés pour intégrer un régiment d’active ou de réserve.
Les territoriaux (surnommés parfois familièrement « pépères »), initialement chargés de différents services de gardes ou de liaison, ont joué un grand rôle pendant la Première Guerre mondiale.
Bon, Gustave est revenu de la guerre et tant mieux pour lui et l'administration militaire a trouvé après coup qu'il était plus utile dans sa classe qu'au front. S'il n'est pas mort au champ d'honneur, il est tout de même passé à la postérité puisqu'il possède aujourd'hui une rue à son nom à Audressselles.
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