D comme déclarations de grossesse
"......toute femme qui se trouvera dûment atteinte et convaincue d'avoir celé, couvert ou occulté, tant sa grossesse que son enfantement, sans avoir déclaré l'un et l'autre et avoir pris de l'un ou de l'autre témoignage suffisant, même de la vie ou mort de son enfant lors de l'issue de son ventre... sera punie de mort !"
En février 1556, devant la recrudescence des infanticides, Henri II rendit obligatoire les déclarations de grossesse pour toutes femmes célibataires ou veuves dès qu’elles avaient connaissance de leur état.
Cette disposition était rappelée 4 fois dans l'année au cours de la messe paroissiale.
BMS de St Pierre de Maillé (86)- AD Vienne.
Cote 5Mi 0999
Même si la déclaration n'était pas obligatoire, la future mère avait intérêt à déclarer sa grossesse surtout si elle était célibataire. (1)
En cas d'infanticide avéré et de non déclaration, la sentence était la mort.
Ainsi Rémi Marcel rapporte qu' à Bourges en 1586 "Jeanne Durier, veuve de Toussaint Beugnon, atteinte et convaincue d'avoir fait un enfant, et l'avoir jetté incontinent dans la rivière.......fut condamnée à estre pendue et estranglée, et son corps brûlé." (2)
Pour "les plus chanceuses", la sentence pouvait être commuée en bannissement à perpétuité après avoir été battue et marquée de deux fleurs de lys.
Si l'édit était clair quant à la peine encourue, il laissait par contre les femmes dans l'incertitude quant au lieu où elles devaient déclarer leur grossesse, d'où des difficultés aujourd'hui pour retrouver ce type de document.
En théorie, elles étaient tenues de déclarer leur grossesse auprès du lieutenant général, du procureur royal ou même auprès du tabellion le plus proche, la dite déclaration pouvait être alors facturée, occasionnant une dépense difficile à honorer !
D’autre part, afin d'éviter les scandales et la vindicte populaire, "les "filles-mères" répugnaient généralement à se confesser au notaire du lieu et pouvaient faire plusieurs kilomètres à pied pour bénéficier de la confidentialité et d'un certain anonymat." (3)
Plusieurs possibilités s'offrent au généalogiste afin de retrouver ces déclarations de grossesse, toujours truffées d'anecdotes passionnantes mais parfois dramatiques pour la déclarante. En effet, souvent veuves, domestiques pour la plupart, ces dernières pouvaient avoir été victimes de viol ou de l'assiduité du maître chez qui elles avaient été placées.
En 1772, Louis XVI impose par un décret la tenue de registres particuliers destinés à recueillir les dites déclarations Cette disposition sera abrogée en 1793 et tombera progressivement en désuétude même si l’on retrouve encore cette pratique dans les registres de la justice de paix et ce jusqu'en 1830 ! (2)
Le généalogiste retrouvera ces déclarations aux Archives Départementales en Série B et aux archives municipales en série FF mais également dans les minutes notariales en série E.
Pour la période moderne, on les retrouvera probablement dans la série U (Justice).
Mais il faudra néanmoins prendre le contenu de ces documents avec précaution car vous n'aurez aucune certitude sur le nom du père qui y est révélé ! Un doute subsistera toujours.
En effet, les officiers chargés de la rédaction de ces déclarations ne pouvaient pas obliger les femmes à révéler le nom du père mais les incitaient vivement à le faire, d’autant que ces déclarations faisaient l'objet de transactions financières.
Alors, quel crédit pourrions-nous apporter à ces documents, quand l'appât du gain pouvait amener les femmes à faire plusieurs déclarations successives, voire lancer de fausses accusations aux dépens de personnalités étrangères à leur maternité, mais bien plus fortunées que le vrai géniteur de leur enfant ?
Je vous laisse seul juge !
sources :
(1) Rémi Marcel " L'édit d'Henri II de 1556 contre le recel de grossesse et d'accouchement"
Gé-Magazine N°111 de Déc. 1992
(2) Jean BAUBESTRE "Les enfants naturels et abandonnés"
Gé-Magazine N°80 de Fev. 1990
(3) Jean-Louis BEAUCARNOT "Votre arbre Généalogique". Denoël. 1989
Gildas BERNARD "Guide des recherches sur l'histoire des familles". Archives Nationales
Cet article a été repris dans le Hors-Série N°38 de revue Française de Généalogie :
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