Carnet de guerre par Henri HIDIER 2ème partie
Le théâtre des opérations !
27 novembre :
Rien de nouveau à signaler.
Rien à signaler pour la journée. Le soir à 8 heures nous partons pour St Julien ; il pleut. Nous arrivons à 11H30. La relève du 153 s'effectue dans la seconde partie de la nuit. Nous trouvons notre poste occupé par le premier bataillon. Nous établissons le notre à l'école, c'est très vaste mais nous serons obligés de loger avec le médecin-chef. Quelle barbe !
Je pars à la découverte. A
Le 27 à 6h30 nous nous mettons à table. Notre menu était ainsi composé :
Potage au lait
Saucisson-paté de foie gras-sardines
Foie de porc sauté
Boulettes Bourguignonnes
Jambon rôti
Pommes sautées
Salade
Fromages
Crème au chocolat
Gâteaux-fruits secs
Vins rouges-Vins blancs
Vins blancs du Rhin
Porto
Champagne
Café- Liqueurs
Messieurs Aubland et Merklin étaient aussi des nôtres. Le dîner s'est terminé à 11 heures dans les rires et les chansons. En un mot, nous nous sommes bien amusés, malgré les obus qui sifflaient au-dessus de la maison.
Retour à St Julien où notre secteur est le poste de l'école des soeurs, nous continuons notre fortification de la cave.
14, 15 février :
Visite à 6h30 nous n'avons que très peu de malades car il y a un nouveau chef de bataillon, il ne veut pas de malades pendant le séjour aux tranchées. Tout homme non reconnu sera puni de huit jours de prison. Nous avons quelques blessés sérieux, entre autres un nommé Gabrielli qui a reçu une balle dans l'abdomen. Il était parait-il monté sur la tranchée coiffé d'un casque à pointe, se moquant des boches. Nous sommes relevés dans la nuit du 14 au 15 février par le 79ème d'infanterie, les fortifications de la cave sont terminées, nous ne reviendrons plus à St Julien, c'est très probable.
Nous avons marché toute la nuit, en route j'ai été pris d'une indigestion. Nous arrivons au Lion Belge un hameau situé à trois kilomètres de Woesten à 9 heures du matin. Le major m'oblige à aller me coucher, le soir mon malaise a disparu. Nous achetons huit oeufs que nous payons 1,22 Frs, je n'ai rien compris au sujet du prix d'une unité.
17 février :
Nous partons pour Houtkerque où nous arrivons à une heure. Rollin a bien fait les choses nous sommes cantonnés dans un café, nous passons la visite dans la salle de débits, les brancardiers couchent dans la grange, quant à nous, nous logerons chez un vieux ménage, nous y ferons même notre cuisine.
18 février :
Nous vaccinons pour la deuxième piqûre les hommes contre la fièvre typhoïde, visite à 9 heures.
Du 19 au 25 février :
Visite à l'heure habituelle. Rien d'autre à signaler, nous sommes tous étonnés de ne plus entendre le bruit du canon.
26 février :
Je me rends à la 7ème compagnie, je touche une paire de chaussures et un pantalon de velours, il est question de faire une équipe de football.
27 février :
Le capitaine de la 7ème compagnie étant décoré, une partie du régiment se rend à Bambecque, moi je reste à Houtkerque avec Monsieur Barry nous avons évité une corvée, surtout qu'il a plu toute la matinée.
28 février :
Quartiers libres. Le soir à deux heures, la 5ème compagnie donne un concert, presque tous les spectateurs ont gagné quelque chose à la loterie. La fête a très bien réussi.
1er mars :
Visite à 9 heures, vaccination anti-typhoïdique à 2 heures (troisième piqûre). Je suis de service pour mon bataillon.
2 et 3 mars :
Rien à signaler si ce n'est qu'un match de football contre la 6ème compagnie, je faisais partie de la 7ème compagnie, nous avons gagné par 7 buts à 1. Le lieutenant Luché a été dans l'obligation de payer 6 bouteilles de champagne car il avait parié autant de bouteilles qu'il y aurait de buts de marqués, il croyait que sa compagnie gagnerait.
4 mars :
Nous quittons Houtkerque à 8 heures 30, nous arrivons à Vlamertinghe à 12 heures 30, nous sommes cantonnés dans un café. J'achète quelques provisions, fromage, macaronis, huile, vinaigre ect... Nous couchons dans un grenier.
Nous passons la visite dans une salle attenante à la salle de débits, le soir à 5 heures nous recevons l'ordre de nous tenir prêts à partir. A 6 heures nous quittons Vlamertinghe, nous arrivons à notre poste de secours situé sur la route de Ypres à Zonnebeke. A 11 heures du soir, le major me demande de me mettre à la recherche du poste de commandement, je ne le trouve pas, pour cause, il se trouve dans un bois de sapins distant de près de
6 mars
Delporte s'occupe de mettre en état une tranchée située à côté de notre poste. Une fois que tout est terminé, nous recevons l'ordre du Général de Brigade d'avoir à quitter les lieux car nous nous trouvons sur le versant de la route faisant face à l'ennemi. A 2 heures, nous partons et allons loger avec le médecin chef. Quelle averse ! Nous ne sommes vraiment pas veinards.
7 mars
Nous avons établi un poste de secours à Zonnebeck. Tous les soirs, je vais passer la visite dans ce village. A chaque fois que je travers le passage à niveau, les balles sifflent au-dessus de ma tête ; un brancardier a eu sa capote traversée par une balle. Je rentre de la visite à dix heures du soir et jusqu'à deux heures du matin je suis de service pour l'évacuation des blessés. Un obus éclate à 50 mètres de la maison. Le médecin chef est affolé ; un autre tombe sur la crête à deux cents mètres. A deux heures je me couche.
8 mars
Visite à huit heures du soir à Zonnebeck. Il pleut. J'apprends en arrivant que les boches ont bombardé le village. Un obus est tombé en avant, un autre à droite, puis encore un autre à gauche de la maison. Tout le monde part.... En revenant à dix heures, je ramène deux blessés de la tête. A hauteur du poste du troisième bataillon, un schrapnel éclate au-dessus de notre tête. Plus de peur que de mal. Cela à pour effet d'activer notre marche ; j'arrive à Petit Plaisir à onze heures. Aussitôt, je me rends chez les musiciens afin de commander deux équipes mais ce n'est qu'après une heure de recherche que j'arrive à les rassembler. Toute la nuit je serai sur pieds.
9 mars
Visite toujours à la même heure ; je suis chargé, par le médecin chef, de l'établissement d'un plan du cimetière de Freyzemberg. Je m'en acquitte et suis toute la journée à peu près tranquille. Un obus de 77 tombe au ras du mur de l'écurie, faisant un trou énorme. Trois mètres de plus, il était dans le poste.
10 mars
Nous sommes relevés par le 100ème d'infanterie ; nous possédons au régiment un sergent infirmier qui est peu débrouillard, mais celui du 160 est unique au monde : C'est une vraie moule ! Son médecin major est d'ailleurs fait à son modèle. A trois heures du matin, nous partons avec la dernière compagnie. Nous arrivons à St Jean à six heures du matin car nous sommes restés près d'une heure et demi dans un pré attendant que le cantonnement soit établi.
11, 12, 13, 14 mars
Séjour à St Jean. Nous sommes cantonnés au café du Paradis, les douches sont installées à l'école. Le 14, nous étions rassemblés dans un pré aux environs de St Jean, faisant des essais de lancement des bombes, quand deux schrapnels boches sont arrivés. Pas de blessé mais nous avons du quitter les lieux.
15, 16, 17, 18 mars
Nous repartons pour les tranchées. Nous sommes encore avec Monsieur Henriot. C'est le travail du séjour précédent en première ligne qui se renouvelle. Le 18 nous sommes relevés et partons pour Vlamertinghe. Nous sommes cantonnés dans un café.
19 mars
Visite à huit heures trente. Vaccination pour le train de ravitaillement à deux heures. C'est moi qui suis de service.
20 mars
Nous concluons un match de football avec les anglais que nous battons par 4 buts à 2. Nous leur promettons la revanche mais ne savons si nous reviendrons dans Vlamertinghe.
21 et 22 mars
Rien à signaler. Je vais toucher une capote et un képi couleur gris horizon. Nous partons pour Zonnebeck le 22 au soir. Cette fois-ci nous devons nous rendre dans le poste de secours dans le bois de sapin au Polygone de Zonnebeck. Nous arrivons à Freysemberg à onze heures du soir. Nous laissons les cuisiniers dans ce village et continuons notre route. Nous pensions arriver au Polygone le soir même, mais nous comptions sans les boches qui arrosaient la route que nous suivions de balles, provenant d'une mitrailleuse « cachée « dans le sens de notre trajet. Impossible d'aller plus loin ! A onze heure trente, nous nous arrêtons au poste de secours du 68 ème d'infanterie et lui demandons l'hospitalité pour la nuit. Nous continuerons notre route au petit jour, car Rollin ne se retrouve plus, lui qui pourtant a déjà fait plusieurs fois le trajet.
23 mars
A cinq heures du matin, nous repartons. Les balles arrivent beaucoup moins, à six heures nous arrivons à une ferme brulée où nous sommes obligés d'attendre que Rollin aille reconnaître la route. Monsieur Barry n'est plus avec nous ! Où est-il passé ? Nous restons là une bonne heure, puis, repartons. Cette fois-ci nous sommes dans la bonne direction. Enfin, à huit heures du matin, nous arrivons au Polygone. Nous nous mettons à l'abri dans des trous creusés dans la butte car les balles arrivent dru. A onze heures, nous déjeunons d'un hareng saur et d'un peu de rillettes. A deux heures, on nous signale deux blessés à la sixième compagnie. Je pars avec Rollin ; nous allons jusqu'aux tranchées de première ligne et les quittons sans incident en rapportant nos deux blessés. Pendant tout le trajet nous avons pris le boyau. A la sortie nous sommes surpris par 4 obus de 77 qui tombent assez proche. Albert brancardier est blessé au pied par un schrapnel, et moi un éclat me contusionne les deux jambes à hauteur des chevilles. Nous en sommes quittes à bon compte. Nous activons autant qu'il nous est possible de le faire étant donné nos blessures. Nous étions partis à six pour relever deux blessés ; nous en ramenons quatre. Le soir, à quatre heures, une balle arrive à la place occupée par mon bras gauche une seconde auparavant. A huit heures nos trois blessés n'étant pas encore évacués, je demandais au commandant de bien vouloir téléphoner au colonel afin que les brancardiers divisionnaires activent leur venue mais cela n'a pas servi à grand chose puisqu'à dix heures trente ils n'étaient pas encore enlevés. Deux obus de 75 envoyés aux boches nous permirent de gagner Zonnebeke et Petit Plaisir sans incident.
24 mars
Delporte est resté au Polygone. C'est lui qui fait le premier pansement et moi qui assure l'évacuation. Le soir, je lui fais monter par les cuisiniers quelques provisions lui appartenant et qui étaient dans la voiture.
25, 26 mars
Un ouragan de vent enlève la toiture de l'abri que nous avions fait construire pour cacher les chevaux et les voitures à la vue des avions. Nous sommes relevés dans la nuit du 26 au 27 par le 160 ; nous allons à St Jean. Je monte en voiture pour faire la route.
27, 28, 29, 30 mars
Séjour à St Jean. Rien à signaler. Mes plaies se guérissent. Nous retournons à Petit Plaisir dans la nuit du 30 au 31 mars.
31 mars, 1er, 2 et 3 avril
Peu de blessés. Je suis chargé d'établir une copie d'un plan au sujet de l'enfouissement du bétail tué par des balles et des obus. Nous sommes relevés dans la nuit du 3 au 4, toujours par le même régiment. Le bruit court que nous ne reviendrons plus. Monsieur Henriot nous quitte pour aller dans une ambulance.
4 avril
Nous cantonnons à Ypres, une journée seulement puisque nous repartons le 5 pour Brielen.
5 avril
Séjour à Brielen. J'achète quelques provisions. Visite à 9 heures.
6 et 7 avril
Visite à 9 heures. Rien de particulier à signaler, si ce n'est le passage d'une dizaine d'obus qui vont éclater sur Vlamertinghe. Nous regagnons Petit Plaisir le 7 avril au soir. Cette fois-ci c'est la dernière fois que nous venons dans les tranchées en Belgique. Le 8 se confirme que les anglais nous relèvent et sommes surpris de constater que c'est pour le 8 au soir.
9 avril
Nous arrivons à Vlamertinghe à 9 heures du matin. Nous embarquons en automobile à 10 h 30. Moi, je vais faire le trajet à bicyclette. J'arrive à Bambecque avant les autobus. Nous cantonnons à la caserne des douaniers.
10, 11, 12, 13, 14 avril
Séjour à Bambecque. Je suis légèrement indisposé mais cela se dissipe.
15 avril
Réveil à six heures. Nous arrivons à Staples à 2 heures de l'après-midi. Nous avons eu la pluie une partie de la marche. Je couche sur un brancard.
16 avril
Nous repartons à six heures trente. Il paraît que l'étape sera longue. Tout le long de la route, ce ne sera que trainards. Un homme tombe de chaleur. Je fais six kilomètres pour ramener une charrette porte-brancard afin de le transporter au village le plus proche. Je lui fais une piqure d'huile camphrée puis je cherche à rattraper le bataillon mais il y a déjà près de deux heures qu'ils sont arrivés lorsqu'à mon tour je fais mon entrée dans le village. Je suis éreinté mais à la visite le soir nous avons plus de deux cents malades. Tous les trainards ont été d'office envoyés à la visite à neuf heures. Je travaille toujours et je n'ai rien dans le ventre. Je termine à neuf heures dix, dine et me couche ensuite. Nous avons fait près de 45 kilomètres.
17 avril.
Réveil à six heures. Départ à six heures trente. La marche est courte heureusement. J'ai soif ; je bois un quart d'eau dans lequel je verse un peu d'alcoolat de Mélisse. Je casse la croute avec une boite de Corned-beef. Nous couchons dans la grange ; mon malaise semble dissipé.
18 avril
Réveil à six heures. Départ à sept. Nous marchons jusqu'à St Florenghein. Aussitôt après notre arrivée dans le village, qui a lieu à onze heures, nous nous rendons Delporte et moi dans un café afin de casser la croute. À Deux heures, je me couche ; je suis mal à mon aise. Le soir, j'ai 39 de température. Je prends de la quinine et de l'antipyrine.
19 avril
Je suis toujours souffrant, mais je passe la visite tout de même. Le soir, je vais me promener à bicyclette aux « mines » de Ferfailly ? Espérant que mon mal de tête disparaîtrait. Mais non ! Je l'ai toujours ! Nous embarquons en autobus à six heures du soir. Nous arrivons à Moreuil à onze heures. Je suis de plus en plus malade. Toujours 39 de température.
20 avril
Je passe la visite à huit heures. Ensuite je me purge espèrant que cela me ferait du bien. Mais c'est toujours la même chose ! Le tantôt, je vois avec Rolin à cent mètres de nous, un canon de soixante-quinze éclater. Deux tués et un blessé. Je rentre et m'allonge sur la paille.
21 avril
La nuit a été assez bonne ; la température est descendue à 37,8°. Mais le soir, j'ai de nouveau 39. Je veux persister encore. Grace à la quinine, je passe une assez bonne nuit.
LE RAPATRIEMENT
22 avril
Nous changeons de cantonnement. Le médecin major est évacué de la veille. Monsieur Barry m'ausculte et me demande de me laisser évacuer. Il craint une typhoïde. Je pars à deux heures trente en automobile pour St Pol. Je quitte cette gare à sept heures du soir, à sept heures du matin nous ne sommes qu'à Etaples.
23 avril.
Nous passons à Abbeville, Amiens, Montdidier, L'Esprée St Denis, Le Bourget, Aubervilliers où j'arrive à sept heures du soir. Puis j'apprends que je suis dirigé sur la Normandie. Je m'endors et suis réveillé à deux heures du matin je descends à St Pierre de Vouvray et de là je suis dirigé sur les Andelys, où je descends à l'hôpital auxiliaire 203. A deux heures de l'après-midi le 24 je suis transporté à l'hospice civil, service des contagieux.
24 avril au 11 mai.
Je suis très bien soigné. Je reçois la visite de mes parents et de Germaine le 2 mai et celle de maman et de Marcel le 7.
11 mai
Je quitte les Andelys à sept heures vingt deux. Je pars pour Houlgate où j'arrive à huit heures trente trois du soir, j'ai changé six fois pour accomplir ce voyage.
12 mai
Je quitte Houlgate à huit heures trente-trois du soir avec une permission de neuf jours. J'arrive à Paris à quatre heures vingt et à Nanterre à huit heures quinze. Je surprends toute la famille.
Un autre carnet de guerre d'un soldat du 146ème
Notes :
Le service de santé : le corps d'armée dispose de 4 ambulances, 3 sections d'hospitalisation et un groupe de brancardiers. Le groupe de brancardiers comprend: 3 médecins, 2 officiers d'administration, 2 officiers du train, 4 aumôniers, 6 médecins auxiliaires, 215 infirmiers et brancardiers et 83 conducteurs avec une centaine de chevaux, 27 voitures, 141 brancards et environ 5000 pansements.
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