T comme Taisibles (communautés)
Depuis le XII° siècle ont existé des communautés agricoles regroupant les membres d'une même famille sous un même toit et ayant des intérêts communs. Ces communautés étaient appelées "Communautés Taisibles". (du latin "lacere" signifiant "ne pas dire" ou garder le silence). Ces communautés donc n'avaient aucun statut juridique et fonctionnaient sur un simple contrat tacite passé entre ses membres.
Certains historiens, font remonter leurs origines à la nuit des temps t de la volonté et de la nécessité de ses membres à s'organiser et à se regrouper face aux vicissitudes et aux difficiles conditions de vie dans la société rurale du Moyen-Age. A cela s'ajoute des stratégies de contournement face au pouvoir seigneurial et à l'exercice du droit de "mortaille" (1) ou de "main-morte" (2) du seigneur sur les serfs.
Ces communautés appelées également "parsonneries" (3) ou "frècheries" (4) constituaient une véritable cellule socio-économique familiale structurée autour d'un chef (le maître), responsable de son bon fonctionnement et fondée sur l'exploitation collective d'un bien commun possédé en indivision.
Selon le vieil adage on y vivait "au même pot, au même sel et au même feu".
Le nombre de membres rattachés à ces communautés étaient en théorie illimité. En moyenne, on comptait entre 20 et 60 membres. Mais la littérature rapporte, que plus le nombre de "parsonniers" étaient importants, plus le fonctionnement et les relations entre les membres devenaient difficiles.
Les communautés taisibles n'étaient pas limitées dans le temps. Certaines ont fonctionné sur plusieurs générations. Elles disparaissaient soit par une dissolution tacite, soit avec le décès du dernier descendant.
Le fonctionnement "démocratique"de ces communautés dénotent avec une société féodale fondée sur le pouvoir centralisé du Seigneur du lieu.
Le maître est élu par ses pairs et le restera en théorie jusqu'à son décès. On choisit généralement le plus expérimenté mais pas forcément le plus lettré pourvu qu'il sache défendre les intérêts de la communauté et signer les actes relatifs à sa prospérité ( ventes ; baux , contrats de mariage....). Il agit pour le bien de la communauté et n'en retire aucun avantage financier personnel.
Les femmes du groupe choisissent en leur sein "une maîtresse" qui ne sera pas l'épouse du maître afin d'éviter la concentration de l'autorité. Elle est chargée de répartir les tâches quotidiennes et veille à l'éducation des enfants....
On entre dans la communauté soit par naissance ou par mariage et on ne la quitte en théorie jamais hormis si une situation de veuvage vient à se présenter. Dans ce cas, le veuf(ve) peut retourner dans sa communauté d'origine ou convoler à nouveau pour rejoindre une nouvelle communauté. Dans tous les cas, il ou elle abandonnera la dot amenée lors de l'entrée dans la parsonnerie. Il devra renoncer également à toute prétention sur un héritage éventuel.
Les communautés taisibles connurent leur apogée aux XV° et XVI° siècle. Beaucoup disparaissent au XVII° siècle. La Révolution qui veut favoriser les petits propriétaires puis le Code Civil napoléonien eurent raison des dernières au profit de la "communauté conjugale".
Néanmoins, quelques unes perdurèrent jusqu'au début du XX° siècle mais la recherche de la productivité et la rentabilité mettent un terme à ce type d'organisation fondée sur la solidarité.
Enfin la préservation des intérêts communs auraient contribué à l'augmentation de mariages consanguins.
Les communautés taisibles furent très nombreuses dans le Nivernais, le Berry, le Bourbonnais et l'Auvergne. Le généalogiste peut en retrouver aisément la trace en étudiant la topographie et la toponymie des lieux-dits. En effet, ces communautés ont été très souvent désignées par le patronyme des familles qui occupaient les lieux ( Les Laurents / La Richardière / La Bernarderie....)
Mais il sera quasiment impossible de retrouver des archives concernant leur fonctionnement interne puisque tout reposait encore une fois sur un accord tacite entre ses membres.
Par contre, le généalogiste pourra retrouver des traces de leur existence dans les archives notariales bien évidemment, et pour la période moderne, dans les listes de recensements et le cadastre.
(1) "mortaille" :
Ce droit de mortaille permettait au seigneur d'un lieu de capter les biens d'un paysan morts sans descendant direct naturel.
(2) "mainmorte :
La mainmorte était l'impossibilité faite aux petits paysans "en servage" à transmettre les biens dont ils disposaient de leur vivant
(3) "parsonnerie"
Les mots "parsonnerie" et "parsonnier" viennent du vieux français "parçon" qui signifie portion, part.
Le "parsonnier ou personnier " est donc celui "qui prend part".
(4) "frècherie" :
La communauté taisible peut prendre le nom de "frècherie" lorsque les membres sont issus d'une fratrie.
Pour en savoir plus :
Wikipédia : Communauté taisible
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